samedi 19 février 2011

Texte publié dans le magazine Nouvelle Vague : critique d’un album chanson

A propos de l'album...
Réalisé en mai 2005 au studio AMI-ECS de Château-Arnoux (04), Les montrer avant le Cancer, le premier album de La Poulpe, alias Nathalie Bagarry, nous entraîne dans l'univers surréaliste, intime et cru d'une pas si Tendre Mademoiselle que ça !
Chansons de "caractères et de mœurs", les 11 titres sans concession de cet opus ondulent sur la voix chaude et sensuelle de l'artiste, comme autant de tentacules sur une explosion d'images (Dix mille formes), comme autant de regards à la fois impitoyables sur la société (Le corps, La mouche) ou tendrement généreux portés sur une foule d'individus à la dérive (Lemoncello de Marseille, Les TOC), ou encore rencontrés au hasard des rues (Tendre Mademoiselle).
L'interprétation théâtrale de textes dépouillés de fioritures (Roulette russe), l'arrangement épuré et très rythmé du piano d'Alain Soler qui en épouse voluptueusement les formes (Le tambour des rapaces), donnent à l'ensemble
une unité de sens et de son, une homogénéité artistique qui, partant de l'intime pour toucher à l'universel, ne laisse pas indifférent.
Qu'on se laisse envahir ou pas par les cris d'amour et de révolte que La Poulpe nous jette à la face, on ne reste pas insensible à l'humour dévastateur (J'peux pas gratter une fella) et un tantinet provocateur qui tisse en filigrane la trame de sa poésie incisive et peu conventionnelle.
Cette sensibilité poétique se marie d'ailleurs fort bien avec celle d'un Michel Houellebecq, auquel elle emprunte, "Est-il vrai?"un poème extrait du livre "La poursuite du bonheur", une interrogation métaphysique sur le devenir de l'homme, sur les remèdes à sa solitude, sur la prépondérance de l'amour dans son rapport au monde.
Et que dire de Au courant, la chanson qu'elle partage avec Melchior Liboà ? Un duo dont l'audace thématique, très érotique, n'a de pair que la tendresse qui se dégage finalement d'une relation amoureuse vécue dans ses pleins et ses déliés.
Avec ce premier album très prometteur, La Poulpe ne vient pas nous bercer de chansons doucereuses, mais plutôt, provoquer chez nous une re-action à la fois instinctive et humaniste, prise entre l'éros et le thanatos, pour qu'avant le cancer, "on montre nos seins" et le reste...
Pour ne plus survivre mais vivre enfin !
Françoise Morel, pour Radio Zinzine