jeudi 26 janvier 2017

Fêlure

Tes yeux sont des chemins de fleuve
Qui conduisent jusqu’à la mer
Le torrent fou des amours neuves
Chant de lumière à l’estuaire
Sur ta voix qu’un silence abreuve
Le bouillon fade de mes vers
Échoue des mots de vague veuve
A la page des nuits solaires

Mon chant de folie, mon amour
Ma douce peine, ma fêlure
Mon âme après toi court toujours
Elle n’est qu’à quelques encablures
Du fer de ton gant de velours
Ma main glisse vers sa doublure
                               
L’oubli, dans un bruyant siphon
Engloutit les tristes matins
Épuise dans un tourbillon
Tout le delta de mon chagrin
Que restera-t-il de ton nom
Jeté aux embruns du marin ?
Ce peu de sel, quelques poissons
Pris au filet de mon fusain 

Mon chant de folie, mon amour
Ma douce peine, ma fêlure
Mon âme après toi court toujours
Elle n’est qu’à quelques encablures
De ta musique et juste autour
Ma main frôle sa chevelure

Mêlées aux déchets du rivage
Entre plastiques et mégots noirs
Y’a là nos amours sur la plage
Comme des rebuts à l’espoir
Des roseaux charriés au passage,
Des algues à l’odeur d’urinoir
Refluent l’amer et doux message
La fin des amours dérisoires

Mon chant de folie, mon amour
Ma douce peine, ma fêlure
Mon âme après toi court toujours
Elle n’est qu’à quelques embrasures
De ton cœur fermé dans sa tour
Ma main caresse son murmure

Dans mille ans, plus encore peut-être
Des enfants jouant dans le vent
Ramasseront comme une fête
Le fossile des amours d'antan
Un vieux galet, la silhouette
Du cœur égaré des amants
Qui n’avaient pas voulu connaître
La mer allant puis revenant

Mon chant de folie, mon amour
Ma douce peine, ma fêlure
Mon âme après toi court toujours
Elle n’est plus que l’égratignure
De ton rêve et quand vient le jour
Ma main esquisse sa griffure

samedi 21 janvier 2017

Glace sans tain

Le jour vient de ce rien
Rien de toi que je vois
Dans la glace sans tain
Où je retiens ta voix

Où tu vas quand je pars
Enfin te retrouver
Là où tu n’es nulle part
Là où tu n’es jamais

Mais bien là où je suis
Au sombre de ton ombre
La lumière à l’abri
Du soleil la pénombre

L’éclat contre ta peur
En vie et contre tout
Attentat au bonheur
Là où je vais partout

Te chercher sans espoir
Encore y croire un peu
Galerie des Beaux-arts
Ton regard dans les yeux

Ces yeux sourds de la nuit
Où partout je m’agite
A fracasser l’ennui
Ton couvert et mon gîte

La table le festin
Triste de nos silences
Avec ce jour sans fin
Cette fin d’espérance

La nuit vient de ce rien
Ce rien de toi sans moi
Dans la glace sans tain
C’est ma voix qui s’en va

Métrique

Déplier sans bruit le silence
Défroisser lentement la page
Douce à la vierge présence
Des doigts caresser le grammage

Chuchoter les mots dans la marge
Tracer à l’encre sympathique
L’indicible des nuits d’orage
Le volet central du triptyque

Ecrire d’invisibles répliques
Coucher la soie sur le cahier
Du séisme d’une critique
Gommer tout, même le papier

Les mots qu’on avait déroulés
Les sentiments inavouables
Le récit d’un toucher froissé
Mon cœur dans tes indésirables

Du poème frôler le galbe
Ne garder que l’origami
Oublier les désirs, la fable
Souffler les mots en confettis

Dépiauter, défaire le nid
Les fibres de papier, la trame
Écrite des amours enfuies
Mon âme de pourpre et de parme

Coucher à l’encre du vacarme
Ton indifférence artistique
Le chant de ta vie sans alarme
Toute occupée à sa métrique

jeudi 19 janvier 2017

Le chant des sirènes

Happée par le chant des sirènes
J’engloutis la vase et les algues
La pleine mer, la vaste plaine
Des songes que l’ivresse drague

La rumeur des nuits de silence
Montée des sourdes profondeurs
Comme lumière avant naissance
Dilue ma souffrance et ma peur

J’écume au bar de la mémoire
Des verres emplis à l’amertume
Aux vagues ressacs de l’espoir
A la mélancolies des brumes

J’avance sans aller où je vais
Je pose un vers, puis devant l’autre
Je me souviens que je t’aimais
Quand je t’avais rêvé un autre

Je bois le fiel de tes alcools
Je fixe tes yeux d’oiseau mort
Tu pleures quand je deviens folle
Au poison des tristes débords

Je laisse aller à la dérive
Le bonheur vers sa dilution
Je m’en irai sur d’autres rives
Inventer d’autres illusions

Qui des deux fuira le premier
Qui retiendra la main de l’autre ?
Nos coeurs dans le même panier
Iront désormais l’un sans l’autre

J’étais de ton chant la sirène
Filtrant les algues de ta vase
La lumière de ta coupe pleine
La fin de ton ivrogne extase

mardi 17 janvier 2017

Haute mer

Ce sont des rêves de haute mer
Qui mettent vos vies à l’épreuve
Fuyant l’immonde de la guerre
Un pays, une terre veuve

Agrippant la corde d’espoir
A vos émigrantes pensées
Vous tendez la main dans le noir
D'une eau vorace à vos apnées

Vos voix crissent sur la bouée
Accrochent des mots dans le vide
Se noient à la sueur glacée
D'un bateau gonflé de liquides 

Vous flottez comme poissons morts
Sur la face glacée de l’eau
Puis la mer engloutit vos corps
Avale vos rêves d’oiseaux

Je voudrais vous conduire à terre
Et sauver du sombre marasme
Ces hivers embarqués en mer
Épargner votre vie du drame

J’entends les cris d’une autre terre
Cadavre d’enfant sur la plage
Les survivants cherchent leur frère
La mort à présent n’a plus d’âge

Visage de sel crevassé
La bouche tordue à l’angoisse
De toute vie les yeux vidés
Comme le poisson de sa poisse

Quels ont été ses derniers mots
En quelle langue a-t-il prié
A quelle minute, quelle gorgée
Noyait-il mon humanité ?

Des hommes viennent ramasser
Sur la jetée le petit corps
Dans un camp de réfugiés
Qui veillera son âme encore ?

J’ai dans les yeux une méduse
Qui pétrifie tous les je t’aime
A vos souffrances mon cœur s’use
Je n’aurai écrit qu’un poème




samedi 14 janvier 2017

Manteau de reine

Le froid, étoffe d’engelure,
Du doigt délicat de la peine
Dépose en long manteau de reine
La soie douce de la rupture

L’hiver retient en son écrin
Des nymphes aux amours de cristal
Le reflet changeant des opales
Où vient se noyer le chagrin

La glace fissure les sens
De l’âme éclatée en morceaux
Comme des milliers de copeaux
Jetés au feu de l’espérance

La terre sous ses pattes gelées
Accroche d‘un pas de mésange
Le souvenir d’un rêve étrange
Les souffles tièdes de l’été

Le parfum d’anciennes amours
Les fenaisons et l’or des blés
Semés au vent fou du regret,
Puis oubliés quand vient le jour

La soie douce de la rupture
Du doigt délicat de la peine
Dépose un long manteau de reine
Étoffe effacée à l’épure


jeudi 12 janvier 2017

Mots de chair

Les mots sont chair, les mots sont sang
Ils disent le vrai de l’instant
Racontent l’or d’un corps vivant
Et l’âme au vent jamais ne ment

Toi qui pensais que cette histoire
Venait à moi comme un miroir
Toi qui n’auras pas voulu croire
Aux soleils de mon désespoir

Moi qui savais, toi qui voyais
Ton pas chanceler, hésiter
Vouloir la beauté éthérée
D’un amour jamais consumé

Toi qui allais parmi les tombes
Qui t’abritais derrière le nombre
Rassurant des femmes de l’ombre
Vibrantes au ciel de ta pénombre

Moi qui disais les mots du vrai
L’odeur, le goût et le toucher
La folie de se rencontrer
De frotter nos humanités

Toi qui t’es refermé chagrin
Quand je t’avais tendu la main
Pour mettre un terme, sonner la fin
De nos amours sans lendemain

Moi qui voulais pas déranger
Mais l’ayant fait m’en excusais
Toi qui voulus tout contrôler
Qui de ta vie m’a effacée

Toi à qui j’ai dit mon désir
De partir pour ne plus souffrir
Toi qui n’auras pas su me lire
Te voilà de nous deux le pire

Les mots sont de chair et de sang
La musique est un corps vivant
Ton âme qui le savait pourtant
A donc perdu son cœur d’enfant


mercredi 11 janvier 2017

Sur les lèvres

Ecrire être en apesanteur
Tendre sa main vers les étoiles
Embrasser toute la splendeur
De l’univers toucher le voile

La neige papier de vélin
Trace sur le sol éphémère
Des mots doux comme le crachin
Brises l’âme aux éclats de verre

A l’horreur des fleuves de sang
Aux crimes à la folie des hommes
L’orgueil furieux des impuissants
La bêtise pour tout axiome

Sentir au seuil de l’impossible
Communion de l’être et du dire
L’amour aux confins du risible
Et vouloir du meilleur le pire

Je t’ai perdu mon bel amant
Mais tu n’étais que le fantôme
De mon cœur pur ailes d’enfant
Le résidu de mes atomes

Plus rien en moi ni toi ne vibre
J’emboîte aux folles illusions
Le pas d’un Etre entier et libre
J’ai sur les lèvres une chanson

lundi 9 janvier 2017

Je ne suis pas...

je ne suis pas la main qui écrit
je suis le mot
je ne suis pas le doigt qui touche
je suis la peau
je ne suis pas la voix qui chante
je suis le chant
je ne suis pas l’œil qui regarde
je suis l’oiseau
je ne suis pas le mal qui ronge
je suis le cri
je ne suis pas la vie qui vient
je suis l’enfant
je suis le mot, je suis la peau, je suis le chant
je suis l’oiseau, le cri, l’enfant

mais sans toi je ne suis plus rien




dimanche 8 janvier 2017

Pattes d'oiseau

Des pattes d’oiseau sur la toile
En points de gouache, en impressions
Esquissent ton apparition
Un chant d’étoiles en diagonale

Je suis le fou, la perspective
Je suis l’étoffe et l’amie dont
Tu n’oseras pas dire le nom
Je suis de l’amour l’invective

Celle qui couche, qui encolle
Le subjectile de ma main
Et l’âme sur ton parchemin
Le cœur juste avant son envol

Tu viendras ma courbe, ma terre
Mon humanité, mon langage
Et qu’importe ma vie, ton âge
La sphère de ton hémisphère

Je suis l’entière de ta moitié
L’expression de l’or et du sel
La vive à ton universel
L’embryon de ta vérité

Je viens vers toi quand va le soir
Tu ne croiras pas au mystère…
A la lumière de l’univers
J’éteins ma fièvre dans le noir





samedi 7 janvier 2017

Velours

J’écris sur le fil du secret
J’aiguise mes mots sur ta peau
Je me construis comme un radeau
Sur l’amer des déjà noyés

Dès l’aube des premières sueurs
Aux vastes bleus de mon amour
Je viens coucher tout le velours
Des blessures vissées sur ta peur

Je suis toi une fois deux plus
Je suis ton désir et ta main
Le cal et le métacarpien
Je suis l’amour et puis pas plus

Je suis la lueur à ton front
Le chien qui lèche la gamelle
Le corps qui crie dans sa rebelle
Espérance de rébellion

Je vais d’un mot à l’autre vers
Ta nudité et tes mots tus
Fœtus de sentiments tenus
En laisse contre toute espère

Je suis, j’écris, je vais à l’aube
Pleurer que tu aimes m’aimer
Et puis enfin te décider
A coucher tes mots sur ma robe

Sur l’amer des presque noyés
Je me construis comme un radeau
J’aiguise mes mots sur ta peau
J’écris sur le fil du secret

vendredi 6 janvier 2017

Falaise

Entre toi et moi, il y a…
Tout un pluriel de différences
Au sortir de la parenthèse
J’étais au bord de la falaise
Je voulais mourir quand j’y pense
Et puis tu m’as ouvert les bras

Entre toi et moi, il y a…
Une mi-temps à l’existence
Et des sentiments qui se taisent
Je penche au bord de la falaise
Je cède à la vie, à l’urgence
L’espoir est ouvert à tes bras

Entre toi et moi, il y a…
Une étrange correspondance
Faite d’écueils et puis de braises
Je suis au bord de la falaise
Ne tient qu’à toi que je m’élance
Que tu m’accueilles dans tes bras

Entre toi et moi, il y a…
Tout le contraire du contresens
Un bonheur qui prendrait ses aises
Et qu’importe alors la falaise
Des souvenirs qui se balancent
Pendus aux branches de tes bras

Entre toi et moi, il y a…
Ce doux silence, cette balance
D’un quitte ou garde que l’on pèse
J’ai dans le cœur une falaise
Une décharge de souffrances
Tu prendras mon mal dans tes bras

Entre toi et moi, il  y a…
Tout un pluriel de délivrances
Et le livre d’une genèse
Je n’ai plus peur de la falaise
Je vole au vide et je m’élance
Je n’espère plus que tes bras

jeudi 5 janvier 2017

Léger

Il suffisait d’être léger
Aux chairs obscures de ton cri
Les corps prolongés de la nuit
Suspendaient du souffle le bruit
Des baisers qui s’ensommeillaient

L’amour était un oreiller
Sur le pailler des confidences
N’était plus qu’un lointain silence
Caresses sourdes de l’absence
Vide des désirs suppliés

Je mâchais des idées dans l'vent
De tes cheveux aux yeux si bleus
Aux veines envolées vers les cieux
Feuilles mortes montées en feu
D’un hiver lumineux et blanc

Et puis la neige a tout gommé
Le paysage et ton visage
Il n’y avait plus que ton visage
Et tes mots si doux et si sages
Suspendus à mon cœur griffé

Suis retournée me mettre au chaud
Une longue coulée de ciel
Venue de toi comme du miel
Voluptueuse immatérielle
M’avait rendu l’envie du beau