mercredi 2 mai 2012

Portrait d'enfant : Mohamed


Mohamed
Il est rond.
Il fait le con.
En classe, tout le monde l’aime bien.
Lui pardonne.
De faire le con, de dire non.
Petite balle au bond.
Insaisissable petit bond en avant, de côté.
Il dit non pour les autres.
Une bille de flipper folle et désorientée.
En rade, sur sa chaise, il tangue et gesticule.
Se raccroche au bureau qui ne lui sert à rien. Rien qu’à se raccrocher.
Il n’a pas de cartable, pas de feuilles ni stylo.
Il n’a rien que ce rond, rond des yeux, de la bouche.
Dans sa bouche, un chewing-gum qu’on lui dit de cracher.
C’est une dent qui saute, roule sous la gencive et puis reprend sa place.
Ses mots sortent en boule, tout chargés de salive, de morve qu’il ravale. En riant.

On laisse s’échapper les mots de Mohamed.


Mohamed
Il est bleu.
Il fait le con.
En classe, le professeur l’aime bien.
Lui pardonne.
De faire le con, de dire non.
Petite balle au bond.
Insaisissable petit bond en avant, de côté.
Il dit non pour les autres.
Une boule d’amour folle et désorientée.
En rade, dans son cœur, il tangue et gesticule.
S’accroche au professeur qui ne lui sert à rien.
Rien qu’à se raccrocher.
Il n’a pas de maman, plus de père ni de sœur.
Il n’a rien que ce bleu, bleu des coups, sur la bouche.
Dans sa bouche, un chagrin qu’on lui dit de cracher.
C’est un père qui violente, roue de coups ses enfants et puis quitte sa place.
Ses mots sortent en boule, tout chargés de souffrance, de chagrin qu’il ravale. En riant.

On laisse s’échapper le cœur de Mohamed.

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